Oreiller d’herbes de Sôseki

 

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« Oreiller d’herbes est singulier par son écriture, impressionniste, poétique, et par son projet même. Un peintre se retire dans une auberge de la montagne pour peindre et réfléchir sur son art, sur l’acte de création. L’atmosphère subtile et poétique d’Oreiller d’herbes est admirablement rendue par les traducteurs. »

 

Philippe Pons, Le Monde

 

Extrait :

 

La Belle de Nagara m’apparaît dans son kimono de cérémonie, à cheval, et, alors qu’elle franchit le col, Sasada et Sasabé se précipitent pour la tirer chacun de son côté. La Belle se transforme aussitôt en Ophélie : elle s’accroche à une branche de saule et elle s’abandonne au courant de la rivière, tout en chantant d’une douce voix. Je veux la sauver et, armé d’une longue perche, je cours vers Mukôjima, à sa poursuite. Elle n’a pas l’air de souffrir et, chantant et riant, elle descend le cours de l’eau, à la dérive. La perche sur l’épaule, je m’écrie ; Ohé, ohé ! »

Quiconque a une vocation littéraire, s’il ne caresse pas un rêve plus beau encore, n’est pas digne de ce nom. Je me dis qu’un pareil rêve ne ferait ni un tableau ni un poème et je me retourne alors dans mon lit : je m’aperçois alors que la lune éclaire la porte coulissante et que l’ombre de deux ou trois branches d’arbre se dessine en biais. C’est une nuit de printemps presque limpide?.

C’est peut-être une illusion, mais j’ai l’impression qu’on fredonne une chanson. Ignorant si c’est une chanson sortie de mon rêve qui a pénétré dans ce monde-ci ou si c’est une voix d’ici-bas qui s’est distraitement égarée dans le pays des rêves lointains, je prête l’oreille. Il est, en tout cas, certain que quelqu’un est en train de chanter. Ce doit être un mince filet de voix feutrée, mais elle maintient une fragile pulsation dans la nuit de printemps qui s’endort. Ce qui est étrange, c’est que non seulement la mélodie, mais les paroles aussi sont distinctes, alors que je ne devrais pas les saisir, car elles ne sont pas prononcées à mon chevet. Il me semble que ce sont les mêmes mots toujours répétés, ceux du poème de la Belle de Nagara :

 

L’approche de l’automne apporte la rosée

Sur les frêles épis et mon coeur croit mourir

 

Mon avis :

 

Ce livre est un voyage dans le japon traditionnel et rural, l’histoire de ce peintre qui s’installe dans une auberge pour réfléchir sur son art de vivre, est  juste le départ de cette promenade impressionniste…

C’ est un tableau  peint au fur et à mesure que  l’on tourne les pages.

Le narrateur lors de ce séjour dans cette  auberge dont il est l’unique client, nous raconte l’étrange histoire de la Belle de Nagara, et  la malédiction qui frappe les femmes de cette famille…

Etre aimé de deux hommes, ne savoir lequel choisir, et qui finira par se noyer dans l’étang du miroir…

C’ est  également  une profonde réflexion sur l’art poétique et l’art en général …

Il aborde également l’ouverture du Japon à la modernité, la peur et   la vision  pessimiste de l’avenir de l’homme.

Je ne résiste pas à  vous mettre un autre extrait que j’ai beaucoup aimé :

 

Le printemps nous endort. Les chats oublient d’attraper les souris et les hommes oublient leurs dettes. On oublie alors le lieu de son âme et notre raison s’égare. Ce n’est qu’à la vue des fleurs de colza qu’on s’éveille. Quand on entend le chant de l’alouette, on reconnaît l’existence de son âme. Ce n’est pas avec son seul gosier que l’alouette chante, mais avec toute son âme. Parmi toutes les activités de l’âme qui se transmuent en chant, nulle n’a cette vigueur-là. Quel doux spectacle ! me suis-je dit, et la douceur de ce spectacle, c’est la poésie même.

 

Pour accompagner ce partage de lecture, voici une très belle vidéo :

Fuji ondo (Chant des glycines – 日本舞踊)

 

 

oreiller d'herbes

 

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