La maison dans les roseaux de Ueda Akinari

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Un noble guerrier, prêt à tout pour honorer une promesse de rendez-vous, à la neuvième lune, quand fleurissent les chrysanthèmes ; une femme aimante séparée de son époux par la guerre, qui l’attend fidèlement dans leur maison dans les roseaux, au sein d’un village dévasté ; un moine réincarné en carpe géante ; une épouse trahie et morte de désespoir, transformée en spectre furieux par la jalousie…

 

Ces contes sont extraits du recueil « Contes de pluie et de lune  » (collection « connaissance de l’Orient » n° 43, Editions Gallimard)

 

 

Extrait 1  » Le rendez-vous aux chrysanthèmes  :

 

Le saule qui, au printemps, verdoie, au jardin ne le plantez ! Dans vos relations, à l’inconstant ne vous liez ! Le saule pleureur est prompt à déployer son feuillage, mais résiste-t-il au premier souffle du vent d’automne ? L’inconstant se lie facilement, mais pour peu de temps. Le saule, à chaque retour du printemps, reprend ses teintes, mais l’inconstant, une fois qu’il a rompu, jamais plus ne s’informera de vous.

 

 

Extrait 2 « La maison dans les roseaux » :

 

 

Cette année-là — un été de l’ère Kyôtoku (1454) — le Résident de Kamakura, l’Ason Shigeuji, entra en conflit avec le gouverneur Uesugi ; quand la résidence eut été rasée par le fer et par le feu, le Résident se replia chez ses partisans de Shimôsa, de sorte que, soudain, le pays à l’est de la Barrière fut en proie au désordre* ; dans un monde où chacun ne songeait plus qu’à soi seul, les vieux fuyaient se cacher dans les montagnes, les jeunes étaient recrutés de force. « Aujourd’hui, on allait incendier ici, demain, l’ennemi allait venir par là », disaient femmes et enfants qui fuyaient en désordre, pleurant et se lamentant. L’épouse de Katsushirô envisagea, elle aussi d’aller se réfugier en quelque lieu, cependant : « Attends cet automne ! » avait dit son époux ; se fiant en ces paroles, elle vécut en comptant les jours d’un coeur inquiet. L’automne était venu, et comme cependant les vents ne lui avaient pas porté la moindre nouvelle, « pareil à toutes choses de ce monde, hélas ! le coeur humain ne peut se reposer sur rien ! » se lamentait-elle, désemparée, avec une douloureuse amertume.

 

                              

                                Mon chagrin,

                                nul ne lui dira ;

                                oiseau d’Ôsaka,

                                rappelle-lui, toi,

                                que l’automne même est passé !

 

 

 

* Episode des guerres civiles qui ravagèrent le Japon durant le XVe et le XVIe siècles sous les shôgun Ashikaga, juqu’à l’accession au shôgunat de Tokugawa Ieyasu en 1603, Ashikaga Shigeuchi (Ason est son titre de cour), résident héréditaire de Kamakura pour le Kantô (les provinces à l’est de la barrière de Hakone), était en conflit avec son lointain cousin le shôgun Yoshimasa. (…)

 

 

Mon avis :

 

 

 

Ce petit recueil contient quatre contes, le premier  « Le rendez-vous aux chrysanthèmes » est un petit chef-d’oeuvre.  

D’une belle écriture ciselée, Ueda Akinari nous raconte l’histoire d’Hasabe Samon, un lettré et de sa rencontre avec un guerrier. Celui-ci souffrant habite chez un ami d’Hasabe, chaque jour, il vient lui rendre visite, lui prodigue de bons soins et au fil du temps se tissent des liens fraternels entre les deux hommes.
Ce conte d’une grande beauté nous emmène au cœur du japon, faisant l’éloge du dévouement et de la loyauté avec poésie.

La maison dans les roseaux, le second conte à retenir dans ce recueil, nous conte l’histoire de Katsushirô, un homme égoïste et peu enclin aux travaux des champs qui décide un jour de se faire marchand et de monter à la Capitale abandonnant ainsi sa belle épouse seule dans un monde en guerre et une maison en ruine, avec la promesse de revenir à l’automne…

Il reviendra quelques années plus tard pour entendre sa femme lui conter son long mal d’amour.

Ce conte est repris par le cinéaste Kenji Mizoguchi dans « Les contes de la lune vague après la pluie », récompensé d’un Lion d’argent au festival de Venise en 1953, un film à découvrir ou à redécouvrir.

Ueda Akinari nous entraîne dans un très bel univers fantastique et poétique, un livre à lire absolument pour les amateurs du genre.

 

Ce recueil contient également « Carpes telles qu’en songes » , un conte plus léger et magique et « Le chaudron de Kibitsu ».

 

 

 

En savoir plus sur l’auteur :

 

 

Ueda Akinari naît le 25 juillet 1734 à Ôsaka  dans un quartier des plaisirs de Sonezaki. Sa mère est une courtisane et son père est inconnu. Alors qu’il n’a que 4 ans, sa mère l’abandonne. Il est recueilli par un riche marchand de papier et d’huile nommé Ueda. Ce dernier, n’ayant qu’une fille, en fait son héritier et lui donne l’éducation soignée d’un fils de riches commerçants. En 1738 , l’enfant contracte la variole, il survit mais la maladie laisse des traces : plusieurs doigts paralysés, au point que l’on craignit qu’il ne pût jamais tenir le pinceau du lettré. Cette guérison miraculeuse, qu’il attribuera au dieu Inari  : le dieu-renard, développe sa spiritualité qui se manifeste dans le côté fantastique de ses œuvres.

 

Ueda Akinari meurt à Kyoto le 6 août 1809 . On peut voir sa tombe dans l’enceinte du temple bouddhique Saifuku-ji ; la stèle porte un de ses nombreux pseudonymes : Ueda Muchô.

 

Source Wikipédia.

 

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Portrait de Akinari, par Koga Bunrei.

Source image : Wikipédia

 

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Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari, Kenji Mizoguchi, 1953) Trailer

 

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